Vers le 20 août
à 1944,un habitant des Forges, hameau de la petite commune de L'Hermitage-Lorge
situé à mi-chemin entre Saint-Brieuc et Loudéac, allait se faire inscrire
pour effectuer des travaux du déminage en la forêt de Rozan, tout proche des Forges.
En cours de route près de la route nationale qui traversait la forêt, il découvrait
des fosses où étaient enfouis deux corps à même la terre.
Quelques jours plus tard, Monsieur Alphonse LE PECHEUR, habitant également aux
abords de la forêt, allait récolter de la lisière. Intrigué par une odeur pestilentielle,
il découvrait d'autre fosses dans un autre endroit.
Des recherches étaient
alors effectuées minutieusement et cinquante cinq corps a été retrouvés. Plus
tard, en 1948, un autre corps était mis à jour (une fougère, en poussant, avait
ressorti son alliance !) dans un endroit tout différent.
Quelle était
l'histoire de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants ?
Pendant l'occupation,
dès les débuts, les Allemands avaient installé dans la forêt de Rozan près
des Forges, un dépôt de munitions qui, lorsque nous l'avons vu à la libération,
était très important. La voie ferrée traverse cette forêt et quantité de train
s'y sont arrêtés, alimentant ce dépôt.
La route nationale Saint-Brieuc
- Loudéac traverse elle aussi la forêt. Mais elle était interdite
pendant toute occupation pour son secteur compris entre les Forges et le Carabinier,
près de la gare d'Uzel. Si bien que, pour les Allemands, c'était devenu un lieu
particulièrement tranquille et a l'abri des regards indiscrets.
À Uzel
à trois kilomètres des Forges, se trouvait un casernement de waffens SS , quelques
miliciens et... une chambre de torture. Chambre de torture où quantité
de résistants des réseaux de la région : Bourbriac, Moncontour... ont été amenés
est interrogés. L'histoire de ces lieux à été reprise par divers historiens anciens
résistants et publiée dans des livres. Mais à l'époque de l'occupation, si les
habitants des environs savaient qu'il valait mieux éviter de passer à Uzel et
à la Butte-Rouge personne ne se doutait de la gravité et du danger réels.
Le 14 juillet 1944 fut le jour de l'horreur absolue. Car c'est vrai semblablement
ce jour-là jour de notre fête nationale, a-t-elle inspirée les bourreaux ? Que
la plupart, sinon tous les martyrs retrouvés dans la forêt ont été exécutés. Non
sans avoir été au préalable et pendant plusieurs jours torturés. Certains ont
été pendus, à cette époque, une grosse branche juste au-dessus d'une des fosses
portait les traces de frottement d'une corde ; d'autres sont sans doute morts
à bout de souffrances, tous ont reçu le coup de grâce.
Les nazis
n'avaient de respect pour rien ni pour personnes : l'âge, la condition ne
trouvait pas grâce a le reçu. Des hommes, des résistants, ont succombé. C'étaient
des combattants qui connaissaient le risque qu'ils couraient et qui, avant de
s'y engager, avait fait sciemment le don de leurs personnes, de leurs peines,
de leur vie. Mais des otages, des femmes, des enfants de 14 ans, des jeunes filles
(nous pensons à Mireille CHRISOSTOME de Saint-Brieuc) ont été massacrés
ainsi, victimes innocentes d'un conflit mais surtout d'une barbarie gratuite.
Ils venaient de tous les horizons, ces gens qui sont morts pour la liberté
de la région, bien sûr : de Plouguenast, fde Plémy, de Moncontour de Hénon,
(une femme et ses deux files retrouvées dans la même fosse), des maquis voisins,
maquis dans lesquels le combat est un Russe, un Roumain, un Italien, un Polonais...
des gens qui avaient tous le même idéal : servir à la Paix, la Liberté.
La vie des habitants de la région d'Uzel et de L'Hermitage, pendant ces années,
était perturbée par la présence des Allemands, mais surtout des SS dont la cruauté,
la violence, la méchanceté était redoutée de tous. Les jeunes en particulier devaient
les éviter à tout prix. Arrivant avec des voitures sans portières, ils
s'arrêtaient brusquement sur chaque petit groupe, vérifiant les "papirs"
sans ménagement, emmenant pour interrogatoire sous n'importe quel prétexte. Et
mieux valait éviter ces interrogatoires dont on ne savait comment il finissaient.
Mais, de là a imaginer ce qui se tramait réellement à Uzel et dans
la forêt de la Butte Rouge, il y avait un pas que personne dans ces deux communes
n'imaginait ! Il a fallu la libération et la découverte des fosses pour réaliser.
Le 28 octobre 1944, toutes les fosses ont été ouvertes, les corps mis dans
des cercueils et une enquête ouverte pour essayer de les identifier. Presque tous
ont été sauf deux qui, depuis, reposent dans le cimetière de l'HermitageLorge
dans une tombe pieusement entretenue par la commune mais aussi, bien souvent,
par des mains anonymes qui se souviennent et remercient ainsi tous ceux qui ont
donné leur vie pour nous.
Tout le monde, à l'époque, dans un même
élan de reconnaissance, de merci, a participé à l'érection d'un monument
qui, en se voulant un hommage au sacrifice consenti par tous ces hommes, ces femmes,
perpétue le souvenir de leur sacrifice.
Un souvenir qui est rappelé officiellement
tous les ans par les habitants de L'Hermitage les 8 mai, le 14 juillet et le 11
novembre.
Depuis quelques années aussi, un flambeau y est allumé
le matin des 8 mai, comme à Malaunay, à la plage Bonaparte et à
Plestan pour être acheminé à Saint-Brieuc.
Et, tous
les cinq ans, les associations de résistants et de Déportés du département s'associent
à la population de L'Hermitage pour commémorer plus solennellement encore
avec les familles des victimes, leur souffrance et le don de leur vie.
La forêt de Lorge a eu le triste privilège, par ailleurs, de recueillir les corps
d'autres martyrs de la résistance : à Ploufragan, des maquisards exécutés
avaient été enterrés, enfouie, pourrait-on dire dans une fosse sans aucune
sépulture. La Croix-Rouge avait obtenu que les corps soient mis dans des cercueils.
Ce qui a été fait par les Allemands qui sont venus ensuite à Gravelay en
L'Hermitage jeter ces cercueils dans la forêt.
Les lieux de sacrifice
de la Butte Rouge sont pieusement conservés en l'état et la commune de L'Hermitage,
aidée financièrement depuis quelques années par des communes qui ont compté
des leurs parmi les victimes : des bénévoles, des inconnus, entretiennent, fleurissent
et aident au respect de ces lieux à jamais sacrés. |