Panneau du Mémorial du Carpont en Lanmodez


situation géographique
Canton de Lézardrieux.
Commune de Lanmodez.

accès
En partant de Lézardrieux, prendre la D20 en direction de Lanmodez. La stèle se situe en bordure de route sur la droite à 800 mètres environ avant le bourg au lieu dit Le Carpont.





la photo de fond du tableau représente
Arthur L'ANTHOEN dans la cour de sa ferme


Le dimanche 6 août 1944 vers midi, les soldats allemands ont quitté l'Île à Bois pour aller libérer leurs camarades de la garnison du sémaphore de Créac'h Maout, prisonniers des résistants.

Sur leur route, la ferme du Kroas-Hent, située en haut de cette côte du Carpont.

Yves et Victor L'ANTHOEN, 17 et 22 ans, et leur ami Yves LE BERRE, 18 ans, discutent dans la cour après le déjeuner.

Tout à coup, vers 13h30, ils sont cernés par une vingtaine de soldats qui pointent sur eux leurs mitraillettes et les brutalisent à coups de crosses.

Madame L'ANTHOEN, née Adèle LE GUEVEL, 57 ans, alertée par les cris de douleur de Victor qui a le bras cassé, sort de la maison. Elle insiste pour que soient relâchés ces jeunes gens innocents. En vain... Ils sont entraînés tous les trois sur la route et alignés contre un talus à 150m de la ferme.

"foutu omp!" (nous sommes foutus) répète Yves LE BERRE. Ils vont nous fusiller, quand appairait Arthur L'ANTOEN, accouru à travers champs. Il supplie à genoux qu'on lui rende ses enfants... Seul Victor est libéré.

Un officier venant de la ferme lui dit : "vous partir aller voir Madame".

Cette phrase prend tout son sens quand Victor de retour à la ferme trouve sa mère, seule, étendue dans la grange, une balle explosive dans les reins. Elle agonise dans ses bras tandis que dans la cour deux soldats parlent en riant.


Pour Yves LE BERRE et Yves L'ANTHOEN le calvaire continue. En descendant cette côte du Carpont, Jean Baptiste KERNIVINEN, 45 ans, qui va chercher son beurre chez sa sœur comme chaque dimanche, est arrêté aussi.

De partout, on entend les crépitements des mitraillettes lorsqu'ils sont fusillés tous les trois.


Adèle est sur son lit de mort, et vers 5 heures, un bruit :
Yves L'ANTHOEN apparaît, méconnaissable, la tête enflée, œil droit pendant sur la joue. Il a encore la force de dire "Mamm" (maman) avant de s'écrouler à bout de sang...

Dans la soirée, Madame Germaine JACOB, son fils Paul et Madame Marianne GALES, espérant trouver d'autres survivants, suivent les traces de sang laissés par Yves à travers le bois et le champ. Ils trouvent les deux corps baignant dans le sang sous un pommier au fond de ce champ.

Ils sont morts.

Edouard LE BERRE, aussitôt prévenu vient enlever les cadavres dans un char-à-banc et constate horrifié, que son fils, le crâne fracassé, a été achevé à coups de baïonnette...



Soigné par le docteur DESSEVE-DAVY et l'infirmier Antonin LE ROUX, veillé par sa famille, Yves L'ANTHOEN est encore en vie le lendemain. Sa sœur Rose décide de l'emmener à l'hôpital de Tréguier, allongé sur un matelas, dans une charrette. Conduite par un charretier Alfred MORDELET, bravant les patrouilles, elle arrive à Tréguier où le pont a été bombardé. Ils traversent la rivière dans un bac, et à l'hôpital, le docteur ETESSE, chirurgien pour l'occasion, extrait 10 balles de son corps : 2 dans un bras, 2 dans une cuisse, 4 dans l'autre, et les 2 coups de grâce dans la tête.

Après un mois dans le coma, six mois pour retrouver l'usage de la parole et de la marche, et toute une vie dans un corps meurtri, le miraculé nous a quitté en 2002...
Son frère Victor L'ANTHOEN est mois en 2003.

Il n'y a plus de survivant à la tuerie. Mais les associations patriotiques, la population et leurs familles sont là tous les ans, pour méditer sur ces actes de barbarie, liés à ceux du sémaphore de Creac'h Maout à l'Armor-Pleubian.

Passant, médite aussi : il faisait très beau, ce jour-là dans ce pays de rêve, quand tout a basculé : la guerre est passée là et tout est devenu noir.